D´ici 48 heures je quitterais la ville de B. pour une autre ville en B, plus coutumière.
Je laisse derrière moi un quartier qui disparait, le Raval. Il s´efface si vite que je ne sais pas si je le retrouverais à ma prochaine visite. Le voisin torve vendra-t-il toujours des biéres sous le grand chat de Botero? Les hommes sueront-ils toujours une odeur moite et rance au dessus de claviers collants depuis l´endroit d´ou je t´écris? La rue San Pau, bientôt, j´en suis sure, ne ressemblera plus au Népal mais aux Ramblas. Le Bar Marsella n´ouvrira plus son rideau de fer aux putes, aux marins, aux gens mauvais. Les voix se tairont. Plus d´Arabe, de Turc, d´Ourdou, de Russe. Que de l´anglais, du catalan.
Moi même je n´y serais plus. Moi aussi j´ai beaucoup changé.
J´en profite, encore un peu, et je me sens heureuse, assez, avec un seul regret, celui de n´avoir pas pu partager cet endroit.
J´espère que tout va bien. Que tu t´ennuies un peu. Moi, j´ai fait un voyage.
Ici, je pense à des filles, une fille, des filles, bref. Ici, je mange des choses étranges.
Ici, je dis "ostia", et pas "de puta madre", ni "joder". Je dis "tio", je dis "es que es la verdad". Ici je dis "no pasa nada".
Ici j'apprends: cervesa, merci, s'ous plau, gai i lesbic, chiringuito. Ici, je fais, des choses que je ne pensais pas savoir faire. Ici, je fais des choses que je ne sais pas faire. Ici, je fais quand même. Ici, j'ai l'impression de pouvoir tout faire.
Ici, je travaille dix heures par jour. Ici, pourtant, c'est les vacances.
Ici je fais des projets, je parle de Linux, je parle de plate forme européenne, je parle de débouchés pour les producteurs indépendants. Ici, les gens me laissent les photographier. Ici, je me laisse photographier. Ici, je ne veux pas rentrer. Ici, je voudrais bien que quelqu'un m'écrive.
Ses six mamans et ses trois papas ont le grand bonheur de vous faire part de la naissance du petit Ocho y dos, collectif audiovisuel.
L'accouchement, ce 16 Juillet, s'est très bien passé et le bébé, bien qu'il ne pèse pour l'instant que quelques KB, grandit chaque jour et parle déjà un peu d'Espagnol.
Il permet à ses heureux géniteurs de montrer leurs premiers pas dans le monde du documentaire de création, à Barcelone et bientot ailleurs dans le monde (Italie, Belgique, Venezuela et Bolivie).
Déjà en ligne, quelques autoportraits en 59 secondes. Bientot quelques "films minutes", et d'ici le 31 juillet, deux films documentaires qui parlent de filles, de Tibidabo et de cartes postales, entre autres.
N'hésitez pas à laisser aux heureux géniteurs vos cris de joie, commentaires ou critiques de tout acabit!
J'ai bravé les pentes du Tibidabo sous le soleil, des moustiques tigres et une famille de sangliers au coucher du soleil pour rencontrer une fille, sa voix et sa caravane. Une belle histoire à raconter, et ca tombe bien puisque des amies vont le faire.
Tout va bien.
Il faudra juste que quelque chose change. Vivre mieux. Trouver un sens. Un rythme. Je tourne et retourne tout ça dans ma tête et on verra ce qu'on peut faire!
Je suis retournée à l'antic theatre, et c'était juste comme je me rappelais, c'est à dire comme ca:
Et ici aussi il y a Future Shorts, il y avait Pic Pic et André, ca m'a rempli d'une bête nostalgie. Tu le crois que je suis à Barcelone et que Bruxelles me manque, un peu?
Le temps ici passe très vite. Pourtant, j'ai l'impression d'être arrivée depuis déjà des mois. Je crains déjà le retour à Bruxelles, et de devoir laisser derrière moi cette parenthèse de liberté.
Tout va bien.
Etrange voyage aussi, qui loin de m'éloigner de ceux que j'aime, me les rappelle à chaque coin de rue. J'emmène avec moi toute une cohorte de souvenirs et de pensées.
Tout va bien.
J'ai fait des rencontres et, donc, de nouveaux coming out, sans problèmes apparents. Pourtant j'ai à chaque fois l'impression de me sortir les tripes pour les donner en pature.
Tout va bien.
La boulangère m'appelle guapa, et le voisin de dessous qui travaille dans la rue me regarde passer d'un oeuil torve, chaque nuit, et me demande: Cerveza? Cerveza?
Tout va bien.
Dans mon quartier du Raval, une cour des miracles en voie de disparition. Des milliers d'histoires s'y entrecoisent, et chacun ici parait estropié, abimé par la vie. Dans la rue San Pau, un bar. L''homme au mégot sort de derrière le comptoir une bouteille d'absinthe, si on le lui demande. Je brûle de le faire. J'attends le bon moment.
Tout va bien.
Souvent, je pense à ma chance formidable. Je vois le monde comme la première fois, juste maintenant, juste pour quelques semaines. Je me souris en coin. Il fait beau dehors et dedans.
Tout va bien.
Je fais tout ce que je ne faisait pas quand j'avais seize ans. Je traine dans les rues, sur la plage, partout, jusqu' à me faire chasser par la police et les agents de propreté qui nettoient la ville la nuit avec de grands jets d'eau.
Ca y est. J'habite dans une rue à putes. Je n'avais jamais habité dans une rue à putes avant. C'est étrange. On dirait qu'il y a dans la rue une limite invisible, d'un coté, il y en a, de l'autre, non. De mon coté, non. Les flics passent souvent. Hier ils discutaient avec les putes : "Nous on préfère cette rue à celle d' à coté. Les filles sont plus belles". J'habite dans la rue des belles putes.
Ca m'intrigue, les putes. Je me dis: un monde me sépare de ces femmes. Puis je me demande si c'est vrai.
30 juillet 2006 
posted by L'amie de Lucie at 17:33 - 
