Derniere lettre de B. |
Chère Lucie,
D´ici 48 heures je quitterais la ville de B. pour une autre ville en B, plus coutumière.
Je laisse derrière moi un quartier qui disparait, le Raval. Il s´efface si vite que je ne sais pas si je le retrouverais à ma prochaine visite. Le voisin torve vendra-t-il toujours des biéres sous le grand chat de Botero? Les hommes sueront-ils toujours une odeur moite et rance au dessus de claviers collants depuis l´endroit d´ou je t´écris? La rue San Pau, bientôt, j´en suis sure, ne ressemblera plus au Népal mais aux Ramblas. Le Bar Marsella n´ouvrira plus son rideau de fer aux putes, aux marins, aux gens mauvais. Les voix se tairont. Plus d´Arabe, de Turc, d´Ourdou, de Russe. Que de l´anglais, du catalan.
Moi même je n´y serais plus. Moi aussi j´ai beaucoup changé.
J´en profite, encore un peu, et je me sens heureuse, assez, avec un seul regret, celui de n´avoir pas pu partager cet endroit.
J´espère que tout va bien. Que tu t´ennuies un peu. Moi, j´ai fait un voyage.
A très bientot,
Ton amie |
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